acte de décès de André Piquet
Mercredi 5 août 1857, dans son domicile, à neuf du matin, s'éteint entouré des siens, André Piquet, jardinier.
En début d'après midi, ses deux gendres Simon Guillet et Jean Pélissier vont à la mairie pour déclarer le décès.
L'officier de l'état civil indique que André Piquet est un ancien militaire à la retraite. Renseignement donné par Simon Guillet et Jean Pélissier.
Cette mention attise ma curiosité. Me voilà parti pour une nouvelle enquête afin d'en savoir plus.
Quittons le Moulins de 1857 pour remonter le temps !!
... pour l'année 1784.
Louis XVI est roi de France et de Navarre depuis 1774.
Louis XVI
Le Bourbonnais, terre natale de notre aïeul, loin des fastes de la cour, est géré par un intendant (leur rôle s'apparente à celui des actuels préfets dans une moindre mesure).
De 1781 à fin 1784, l'intendant est Antoine Terray, vicomte de Rozières.
Antoine Terray, vicomte de Rozières
A cette époque, la famille Piquet habite le quartier Chaveau,
Les parents d'André Piquet, Sébastien Piquet et Marie Thin se sont mariés le 12 février 1771 à la paroisse Saint Pierre d'Yzeure.
A cette époque, Moulins n'avait pas alors de paroisse propre et dépendait des paroisses Saint-Pierre d'Yzeure et Saint-Bonnet, même si la ville possédait une importante collégiale Notre Dame. Moulins était alors rattaché au diocèse d'Autun.
Sébastien Piquet est jardinier mais on le retrouve cabaretier lors de la naissance d'André. Avec son épouse ils eurent six enfants avant André. Soit Marguerite (1773 morte en 1773), Anne (1776), Bernard (1779), Vincent (1782 qui meurt en 1783), Gabrielle et un enfant mort né en 1783.
Le 28 septembre 1784, Marie Thin met au monde un nouveau fils. Il est baptisé le même jour et reçoit le prénom d'André. Son parrain, André Ravenel et sa marraine, Marie Perier épouse Joseph Lacroix, amis de la famille.
Viendront encore deux garçons après lui, Thomas en 1787 qui décède à un mois puis Michel en 1789.
L'enfance d'André sera celle de milliers de petits français pauvres, juste un peu troublé par les évènements de la révolution.
Dans les archives, nous retrouvons le nom de notre aïeul en l'An XIV dans la liste des conscrits.
liste des conscrits de l'An XIV
L'An XIV, soit1805 en calendrier grégorien,.
En cette année de l'An XIV, André Piquet se présente devant le conseil de recrutement présidé par le préfet et de divers membres de l'armée. L'examen des conscrits se fait en présence du maire de la commune (ou d'un adjoint) et d'un officier de Santé (ou d'un docteur en médecine).
Plusieurs examens sont fait ; si le conscrit n'a pas de problèmes il est déclaré bon au service.
tirage au sort
la conscription :
Née avec le Directoire, la loi Jourdan-Delbrel du 19 fructidor An VII (5 septembre 1798) va instaurer la conscription pour tous les jeunes français. Égalitaire dans son esprit, cette loi sera vite rendue détestable.
Il faut donc rappeler que ce n'est Napoléon qui en fut l'instigateur même si il l'utilisa beaucoup.
La durée du service, qui n'était pas précisée dans la loi, était variable. De cinq ans au minimum, en temps de paix, elle devenait illimitée en temps de guerre.
Ayant tiré le numéro 17, notre André a passé tous les examens et il fut déclaré bon pour le service.
Grâce au document du tirage au sort, on a même sa description.
Liste des tirages au sort
Comme beaucoup de ses concitoyens bourbonnais, il sera affecté au 58ème Régiment de l'Infanterie de Ligne. Il fera parti de la 5ème compagnie du 3ème bataillon en tant que fusilier.
Il arrive le 17 brumaire de l'An XIV à son régiment.
Arrivé à la caserne, il commence par faire connaissance avec ses futurs camarades de chambrée et paye une tournée de bienvenue, comme le veut la tradition. Une fois cette formalité accomplie, il va toucher le fourniment et l'armement.
Puis avec son régiment, il part au travers de l'Europe combattre.
Il participe aux campagnes de 1806 et de 1807. Guerre de la Quatrième coalition , elle fut formée le 1er octobre 1806 contre la France par le Royaume Uni, la Russie, la Suède et la Prusse.
Suivant une lettre de Napoléon Ier du 1er octobre 1806, on sait que le 58ème Régiment d'Infanterie se mit en ordre de marche pour Mayenne où il doit arrivé avant le 20 octobre.
Mayence, 1er octobre 1806
Au maréchal Mortier
Mon Cousin, je vous ai nommé au commandement du 8e corps de la Grande Armée. Vous correspondrez chaque jour avec le major général, et vous lui enverrez en même temps l’état journalier de votre situation. Vous aurez toujours près de lui des officiers d’état-major, qui pourront vous porter ses ordres. Le 8e corps de la Grande Armée doit être composé de deux divisions, commandées l’une par le général Dupas et l’autre par le général Lagrange. Six généraux de brigade et deux adjudants commandants ont eu l’ordre de se rendre à Mayence. Les régiments composant le 8e corps d’armée sont le 2e, le 4e et le 12e d’infanterie légère. Le 2e et le 4e arriveront à Worms le 8 et le 9 octobre. Prenez les mesures nécessaires pour qu’ils y trouvent des bateaux qui les transportent à Mayence. Le 12e régiment arrivera le 8 octobre par la route de Bingen. Les deux régiments italiens sont partis depuis deux jours, l’un de Paris et l’autre d’Orléans, pour se rendre à Mayence. Vous devez avoir dix-huit pièces d’artillerie, une compagnie, de sapeurs, avec l’état-major nécessaire pour l’une et l’autre de ces armes. Le 26e régiment de chasseurs et le 4e régiment de dragons feront partie de votre corps d’armée. J’ai aussi donné l’ordre au 58e régiment d’infanterie de ligne d’être rendu à Mayence avant le 20 octobre. Aussitôt que vous aurez plus de 5,000 hommes et neuf pièces de canon attelées, vous pourrez vous porter à Francfort. Vous trouverez ci-joint une instruction qui vous servira de guide en cas d’événement. Vous devez avoir vingt-quatre caissons des transports militaires. Il faut que vous ayez toujours huit jours de biscuit en réserve à Mayence, et que vous puissiez les porter à votre suite avec 2,000 outils de pionniers.
Maréchal Mortier
André Piquet croisera sûrement le maréchal Mortier qui est à la tête de l'armée dont fait partie le 58ème.
Parmi, les soldats du 58ème, il y a d'autres moulinois dont un certain Noël Nicolas. Se connaissent-ils ?
Mais ces deux grognards quelques années plus tard auront leur destin lié ... mais c'est une autre page de notre histoire familiale.
Grâce à la correspondance historique entre l'Empereur et le maréchal Mortier, on sait que le 58ème prend la direction de Schwerin début décembre 1806.
Le maréchal Mortier déplore auprès de Napoléon Ier l'état de l'habillement de ses soldats qui décrit défectueux.
En plein hivers, en Pologne, notre bourbonnais a dû souffrir du froid.
Janvier 1807, le 58ème rejoint le 8ème corps du maréchal Mortier, chargé de surveiller les côtes de la Baltique.
Puis le 58ème se dirige sur la Pologne.
Peut-être André Piquet participera au siège de Dantzig en mars 1807, mais pour l'instant, je n'ai pas trouvé confirmation dans les historiques du 58ème.
formation du 8ème corps à Friedland
Par contre, il est engagé avec le 58ème dans la bataille de Friedland qui se déroule le 14 juin 1807.
Le 58ème aura une part très importante dans la victoire de cette journée.
Mais pour André Piquet, c'est la fin de l'aventure. En effet, il reçoit lors des combats un coup de fusil au pied droit.
A quel moment de la bataille fut-il blessé ? L'histoire ne le dit pas. Mais il a dû savoir que ce fut une grande victoire pour la Grande Armée et l'Empire.
La règle étant de ne pas quitter le champ de bataille, il a dû attendre que les combats s'éteignent pour essayer de trouver des secours et évacuer le lieu.
Napoléon à Frieddland
On verra des civils transporter les malheureux blessés dans des brouettes et les conduire chez eux pour les soigner.
C'est ce qui a dû arriver à André Piquet car dans le journal où il retrace les souvenirs de la famille, Pierre Merle, arrière petit fils d'André Piquet, note que notre ancêtre fut soigné par une paysanne polonaise après la bataille.
Une fois guéri, mais avec un pied estropié, André Piquet rentre sur Moulins à pied depuis ces lointaines contrées.
Il retrouve sa famille à l'exception de son père Sébastien Piquet qui est décédé le 12 février 1806.
De retour à Moulins, via les services administratifs de la mairie de Moulins, il reçoit un dossier pour mise en retraite de l'armée avec une pension de 200 francs qui sera effective le 13 février 1808.
dossier de pension d'André Piquet
Ayant repris son métier de jardinier, il vit avec sa mère Marie Thin faubourg Chaveau.
publication des bans
Notre grognard va convoler avec une jeune demoiselle d'Yzeure. C'est avec toute leur famille que le 18 avril 1809 à Yzeure, André Piquet et Anne Bériot se marient.
Anne Bériot est née à Avermes le 11 avril 1790. Fille de Claude Bériot et Marie Suet, la famille s'est installée à Yzeure depuis.
Les quatre témoins, André Ravenel parrain d'André, de Pierre Martin, également ami, de Claude Bériot père de l'épouse et son oncle maternel, Pierre Brunot.
Le jeune couple est domicilié dans un premier temps à Yzeure où leur fille ainée Marie née en 1810. Puis on les retrouve rue Chaveau à Moulins. C'est à cette adresse que Anne Bériot met au monde son deuxième enfant, Jeanne en 1812 (cette dernière meurt en 1814).
Ils auront ensuite Bernard (1815-1818), Marie (1817-1820), Pierre (1820-1897) qui sera l'ancêtre des futurs photographes de Moulins, les studios Piquet, Joseph (1822-1828), Elisabeth (1824-1909), Anne (1828-1910) notre ancêtre, et Marie (1831-1834).
Vers 1812, le couple doit loger quelques alliés russes (peut-être des prisonniers vue qu'un camp existe sur Moulins pour les soldats capturés). Ayant quelques notions de leur langue, appris lorsqu'il fut soigné en Pologne, il comprit que ces derniers avaient des intentions sur sa jeune épouse.
Voyant cela, il prit les pincettes dans l'âtre et avec, il osa prendre le bonnet du plus hardi des soldats. Menaçant, il le mit dans la cheminée avec les paroles et les menaces appropriées. Ce qui mit fin aux ennuis. (anecdote prise dans le journal de Pierre Merle).
Petit à petit, ses enfants se marient. Le 22 janvier 1834, leur fille ainée Marie épouse Simon Guillet.
Puis le 5 février 1848, c'est au tour de Pierre de se marier avec Catherine Bey, puis le 30 mai 1844 Elisabeth épouse Jean Pélissier.
Enfin, le 26 août 1851, c'est leur plus jeune fille Anne qui convole avec Fiacre Nicolas. Ce dernier est lui aussi le fils d'un grognard, Noël Nicolas dont j'ai évoqué le nom plus haut au moment de la bataille de Friedland. Ce sont nos ancêtres directs.
J'aime imaginer nos deux aïeuls grognards, voisins, fumer le soir leur pipe ensemble et se raconter leur souvenirs de la Grande Armée. Peut-être avec leurs petits-enfants en commun Anne-Louise et Pierre Nicolas.
Mais les ennuis de santé ont dû empoissonner la fin de vie d'André Piquet. Par le recensement de 1856, nous apprenons qu'il est paralysé. Est ce une conséquence de sa blessure à Friedland ?
recensement 1856 - Moulins - Faubourg Chaveau
André Piquet décède le 5 août 1857, comme nous l'avons vu au début de notre histoire.
Sa veuve Anne Bériot, lui survivra jusqu'au 25 septembre 1867.
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Quelques uns des petits-enfants de André Piquet et Anne Bériot :
Pierre Nicolas (1853-1931) et son épouse Gabriele Fugier (1856-1953)
Catherine Piquet (1852- ) et son mari Claude Pélissier (1849-1922)
André Piquet (1849-1925) son épouse Noémie Touzeau (1861 - .) et leur fille Héloïse
Marie Piquet (1854 - .) et son mari Jean-Baptiste Levif (1850 - .)
sources : archives départementales de l'Allier
archives militaires de Vincennes
archive personnelle de Sophie Merle pour le Journal de Pierre Merle
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